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mardi 31 août 2010

Rencontre





Un regard, une attitude, un rire.
Quelques minutes s'étirent en heures pour se répéter les jours suivants.
Peu de banalités échangées,
le propos devient vite presque intime.
On se livre, se raconte, avec pudeur, avec confiance.
On se sent bien, à l'aise.
On se comprend comme si on se retrouvait,
comme si le lien existait déjà, lien qui n'attendait que la rencontre physique
pour apparaître à la surface de la conscience.
Ce sentiment, déstabilisant, mais en fait, grisant, de côtoyer un proche, proche depuis seulement quelques instants.
Une proximité, des codes communs, vite une perception à demi-mots.
Une complicité de 30 ans datant de 30 minutes sans étonnement.
L'envie de partage, présent et avenir.
Un privilège, des moments rares, une rencontre riche et simple.
Deux vies qui se croisent, un instant,
se décroisent, avec peine.
Sans promesse, avec des certitudes.

Ce n'est pas une déclaration d'amour,
C'est une déclaration d'amitié.

dimanche 29 août 2010

Je suis sain de corps et d'esprit



Un coup de fusil
Il y a 30 ans
Le jour de Noël ou la veille
On me l'a dit, plusieurs fois, je n'arrive pas à me souvenir.
Et puis plus rien.
Aucune trace.
Aucun signe.
Avant et après.
Plus rien qu'un ténu mais affreux souvenir.


Je me souviens que des amis nous ont emmenées, ma soeur et moi, chez  
mes autres grands-parents.
Que j'ai appris, là, dans la discussion venant de la cuisine que mon  
grand-père, mon pépé Raymond, celui qui passait du temps à me tenir  
la main quand j'avais la fièvre, celui qui avait un énorme bureau  
rempli de livres, une mappemonde et un énorme bureau jonché de  
feuilles noircies, de stylos, de plume et d'encre, 
mon pépé Raymond était mort.
Alors j'ai pleuré. Inconsolable petite fille.

L'odeur si particulière assaillait les narines à peine la porte  
vitrée ouverte. 
Odeur de vieux livres certainement.
Un lieu sacré, où une enfant de 7 ans, n'avait pas  
le droit d'aller y fouiner, farfouiller, assouvir sa curiosité.
Je le vois encore, petit homme tout sec, lunettes sur le nez, absorbé  
par ses écrits, un travail certainement très important, derrière son  
grand bureau, au fond de la grande pièce, à droite.
Le peu de souvenirs accumulés durant 7 ans, l'absence depuis maintenant 30 ans, 
mais surtout la chape de plomb qui s'est immédiatement abattue 
sur les souvenirs de la vie de cet homme me pèsent.
Il a choisi de disparaitre et, par douleur extrême, ses survivants ont  
enterré également son souvenir.
Il n'existe plus physiquement et il n'existe plus dans nos têtes. 
En tous cas il n'y vit plus, son souvenir n'y vit plus.

Deux fois, j'ai perdu mon grand-père, 
deux fois.

jeudi 26 août 2010

Virtualité







Le son, fort.
L'image, suggestive.
La musique rythmée, s'emballe.
Les images s'affolent, se collent sur la rétine.
Transportées par les décibels, elles envahissent le cerveau.
Célérité de l'onde, la chaleur s'installe dans l'intime, l'oeil toujours rivé sur l'écran.

Puis,
Tout s'arrête.
Réelles sensations virtuelles.
Réelles sensations de la virtualité.
 

lundi 23 août 2010

Des yeux, des regards





Des yeux, des regards, un clin d'oeil croquant
Des lèvres, une bouche, des baisers irradiants
Des odeurs, un parfum, des souvenirs évanescents
Des mots, des phrases, des messages envoûtants.


Ouvrir ses bras
Offrir une épaule
Panser les blessures
Dépenser l'amour
Dispenser sans compter


Un coeur qui s'emballe
Un manque qui s'installe
Une pensée qui se trimballe


Envie de présence
Envie de partage
Envie d'entendre
Un rire, un sourire, une voix particulière
Une remarque, un prénom, des mots


Construire, grandir lentement, calmement, tranquillement
Sincèrement
L'amour n'est pas feint
Il est dit, répété, montré sans fin,
Dévorant comme un mort de faim


Gérer l'absence
Sublimer la présence
Apprendre, se comprendre
Ecouter, regarder,
S'apprivoiser, se respecter,
Mettre des mots, apaiser ses peurs
Se laisser glisser,
Griser par le bien-être


Banderilles plantées au premier regard.
Impossible, de part et d'autre, d'échapper au ballet de la corrida.
L'ivresse des profondeurs des sentiments a fait chavirer les coeurs.
La raison est chancelante, touchée trop de fois par les piques des toreros qui s'acharnent.
Elle est vaincue. Rend les armes.
Cela en quelques secondes.
Mais au lieu de tomber lourdement dans le sable de l'arène, tombent lascivement dans les bras d'un destin facétieux.

dimanche 22 août 2010

Bons sentiments






Debout, seul, au milieu d'un trottoir. 
Je n'arrive pas à bouger, pieds comme scellés au sol. 
Les passants me dépassent, me croisent, 
ou bien indifférents ou bien leur regard glisse sur moi.
Je ne sais rien et les yeux de mes contemporains ne me renseignent guère. 
Mon esprit roule au ralenti quand le reste du tableau court à fond la caisse.  
J'écoute mon ralenti, les rythmes d'une musique classique naissent.  
Bizarre car je suis plutôt rock and roll.
Voilà, mon intérieur est au classique tandis que l'extérieur est au tempo rock and roll. 
J'ai défini les musiques, me suis concentré sur les rythmes, les tempos.  
J'ai la sensation que voilà l'essentiel.
Nous ne passons pas assez de temps à écouter son rythme, sa vérité.  
Nous suivons le tempo du troupeau, tendus vers des objectifs qui ne sont pas les notres. Nous possédons une bande passante propre.  
Pourquoi s'évertuer à écouter et émettre à l'aide de fréquences  
communes mais non adaptées. Alors nous ne pouvons plus que crier à  
l'aide en ultra-son.
On passe son temps à se plaindre de la dureté, l'individualisme  
forcené de notre société mais au moins on peut rester planter de  
longs moments au milieu d'une rue passante sans que personne ne vienne  
nous embêter.
Doucement tout de même, une main prend la mienne.
Et m'emmène. 
Mes pieds s'enfoncent dans le bitume, ma tête ne peut pas voir qui s'est  
emparé de moi. Est-ce mon âme qui part?
Je ne flotte pas, je me disloque.
Je me dématérialise.
On m'emmène, je le sens, mais où?
Je suis compact mais futile.
Je suis devenue invisible mais bien présent.
Une onde, un frottement de cellules, des décharges électriques  
envahissent mon intérieur tapissé de musique classique.
Cette main insiste. Me tate, me tripote, m'ausculte, m'inspecte,  
m'embête, fouille, tente de saisir le virtuel, le rien qui fait tout moi.
La raison résonne- t- elle?
Fait- elle des ricochets en moi, se tape-t-elle la tête contre les  
murs de mes pensées?
Cette main essaye-t-elle de me l'oter?
Ou de faire s'échapper ce qui doit sortir, s'envoler.
Je ne lutte pas.
Débute alors la migration des minuscules influx.
Ils se propagent très rapidement maintenant, filent, bruissent, tendent vers un même  
point et se regroupent en faisceau, de présomption.
Les amas s'agglutinent, dégoulinent, visqueux.
Maintenant je sais.
Tout est clair.
Je sais que je vais me répandre. J'ai lutté de toutes mes forces mais  
j'ai été choisi.
Pour dire le bien, le bien tout rose, tout mielleux, tout sucre, tout  
dégoulinant.
Emphatique, sympathique à vomir.
Je me suis adapté à la demande, car chacun me réclame.
Faut pas croire. 
La bonne nouvelle c'est que ma musique intérieure et  
l'extérieure se sont mises à niveau comme la pression athmosphérique  
de part et d'autre du tympan. Lorsqu'elle est équilibrée, la douleur  
s'estompe.
Et cette musique maintenant ne ressemble ni à du classique, ni à du  
rock and roll mais à de la guimauve, des sentiments bas de gamme.
Genre collection Arlequin mis en musique.
Je suis celui que l'on dégaine quand le sujet n'interresse guère,  
quand le cynisme conccurence l'irrespect, quand l'Homme est méprisé,  
ses états d'âme bafoués.
Je réponds à une situation dans laquelle un Homme vrai et sincère  
pleure, prend dans ses bras, se tait mais écoute et souffre, partage  
la douleur et les peines, et bien je réponds par les bons sentiments  
que je suis.

Reconnaissez-moi s'il vous plait :
Empathie nappée de bons sentiments, insidieusement, 
détruit les relations humaines.
La vérité est la seule réponse.
Ne m'utilisez pas.
Tuez-moi.

mardi 17 août 2010

Je suis lente, très lente









Je suis lente, très lente. 

J'aime regarder les vagues s'échouer inlassablement sur la plage quand d'autres les chevauchent avec leur surf. 
J'aime passer de longues et interminables heures à me plonger dans le vert ou le bleu d'un tableau quand d'autres courent toute l'exposition. 
J'aime perdre mon regard dans l'immensité du ciel, l'horizon comme limite quand d'autres marchent vers un objectif, yeux rivés sur leurs pieds. 
J'aime attendre et observer quand d'autres avancent et agissent. 
J'aime contempler le monde agité quand d'autres se complaisent dans le tumulte. 
J'aime et ai besoin de la prostration quand d'autres s'immergent dans l'ébullition.  

Je suis lente, très lente. 
Mon monde est différent, 
Nos rythmes sont différents, 
Ils se rejoignent parfois quand se croisent nos destins sinusoïdaux. 

dimanche 15 août 2010

Humains





9 heures du matin et déjà des dizaines de personnes s'entassent, lasses.
Une armée de désespérés entrent, sortent, s'agglutinent,  
pleins d'espoir pour les plus récents, 
de colère pour les récidivistes, 
de résignation pour les longues durées 
et de déprime pour les très longues durées.

Derrière ma bulle protectrice, je les reçois, 
numéro après numéro, dossier après dossier 
et je n'ai rien à leur proposer. 
Presque rien à leur dire.
Je suis fonctionnaire. 
Mon travail consiste à leur signifier qu'il n'y en a pas pour eux. 
J'aimerai leur glisser que le métier où il n'y a pas de chômage est le mien. 
Et je les en remercie mais je crains qu'ils ne le prennent mal.
Pas d'humour ces chomeurs!
Je m'occupe particulièrement des longues durées, 
j'ai une majorité de femmes.
Dans leurs yeux, quand j'ai la faiblesse de les regarder encore, 
j'y vois de la jalousie.
Mes collègues m'avaient prévenue: regarde les à peine, ne t'attache  
pas, aucun sentiment, protège-toi, 
j'avais ajouté alors deshumanise-toi.

Les années passant, j'y suis arrivée.
Aucun oeil suppliant, aucun sourire triste, aucun enfant exposé pour  
attendrir, aucun mot ne dépassent le plexiglasse.
Je trône dans mon siège à roulettes et vois passer des robots ou  
zombies sans âmes durant 8 heures. 
Et je rentre chez moi.
Hier c'était mon anniversaire. 
Mon con de mari m'a offert un livre de cuisine. 
Je ne cuisine pas.
Pour l'emmerder en retour, je l'ai abondemment remercié et j'ai pris  
le livre au boulot. J'ai commencé à le feuilleter par habitude.
Des recettes du monde entier, en plus! Quel blerot!
Evidemment la tajine, le couscous, on sait de où ça vient, le mafé,  
le romazava, le gari j'ai découvert.
Infaisable ces recettes! 
Toujours un ingrédient inconnu, introuvable.
J'ai poursuivi ma lecture jusqu'au bout et me suis lancée dans la  
cuisine, uniquement pour emmerder mon mari.
Comme les saloupiots trainaient dans mes pattes, j'ai sorti la map  
monde et nous avons bossé la géographie.
Maroc, Bénin, sénegal, madagacar, brésil ... Presque un tour du  
monde.
J'ai quasiment raté toutes les recettes entreprises mais l'expérience  
m'a plu.
Tellement que toute le journée au lieu de m'ennuyer je pense au repas  
du soir: les ingrédients à acheter, le temps nécessaires et, selon  
la recette, les saveurs et épices explosent dans le nez et la bouche  
à peine mes yeux se ferment.
Livre ouvert sur les genoux, yeux clos, pensée entièrement tournée
vers la fabrication d'un plat, quelqu'un ose frapper sur ma bulle et  
interrompre mon voyage intérieur.

Le romazava avec le brède mafana, mots encore inconnus il y a quelques  
secondes à peine est perturbé par une femme au nom imprononçable :  
20 lettres dont 12 a.
Madame qui roule le r, votre dossier est incomplet, renseignez-vous  
auprès de votre ambassade .... de Madagascar.
A la place du "suivant" prononcé brusquement suivi d'un non moins  
brusque gros soupir, 
je la regarde et lui souris et lui demande tout de go où diable se procurer des brèdes mafana dans notre belle ville.
Cette audace m'a surprise tout autant que ravie.
Une marocaine pour me donner le secret d'une bonne semoule, une  
brésilienne pour m'aider dans le choix des saussices pour la feijoada,  
Zita la béninoise m'a décrit son gari, Safiatou m'a raconté le goût du  
mafé sénégalais...

Au fur et à mesure des recettes, des voyages du palais, des  
sensations, des odeurs, des papilles gustatives j'ai commencé à  
dresser la tête, les ombres sont devenues des femmes vivantes avec une  
histoire, une culture, un coeur.
Je vois enfin leurs yeux, leur sourire, leur voix, je les écoute, j'ai  
envie de me battre pour elles.
Bonne nouvelle: je suis réhumanisée.

mercredi 11 août 2010

J'ai fait voeux





Silence absence abstinence


Pénitence repentance désespérance


Méfiance souffrance déshérence


Allégeance discordance distance


Défaillance croyance intolérance


Délivrance discordance putrescence


Impuissance inconsistance ignorance


Résonance surveillance toute-puissance


Décadence coexistence bivalence


Différence purulence résilience


Réminiscence urgence errance




Silence absence abstinence

dimanche 8 août 2010

Trajectoires









Moi: j'ai conduit en fermant les yeux pendant un temps qui m'a paru  
long et tellement excitant. 
Un frisson démarre à la base du cou pour courir le long du corps.
Une ligne droite, retour de boite, seule dans la voiture, 
état d'alcoolémie avancée, 
le frisson.

Tester ses limites, se croire immortel.

Lui: je me foutais de tout. 
Mon avenir était dans l'instant que je voulais vivre pleinement. 
Toutes les fêtes, à fond. 
L'alcool, le shit, les filles : en consommation très intensive.
J'ai mis de côté les études, ai eu le bac par miracle, la fac était  
pour moi un terrain de jeu bien plus grand.
L'insouciance.

Moi: j'ai pris des gars en stop au milieu de la nuit.
Je me suis retrouvée dans des endroits glauques avec des inconnus.
J'ai pris des rond-points à l'envers, très vite.
J'ai couché sans capote.
Rien ne pouvait m'arriver.
Je le savais.

Lui: ma vie se déroulait la nuit, toutes les nuits de tous les jours.
Je ne me souviens même plus quelle faculté j'étais censé fréquenter, 
ni quelle filière.
J'avais trop d'énergie à dépenser, comme si l'imminence de la fin me titiller.
J'étais beau, grand, fort, aimé.
Une nuit j'ai voulu voler.

Moi : j'ai bu plus que de raison, ai pris des décisions qui auraient  
pu bouleverser irrémédiablement ma vie.
J'ai joué avec ma vie et celle des autres sans vraiment le comprendre.
Je me suis retrouvée seule au milieu de la nuit à me dire très  
froidement et très calmement que la seule issue était l'issue fatale.
Là j'ai pris peur.

Lui: pas le temps de penser au suicide. Le noir et le sombre étaient en moi, 
je ne l'ai jamais su.
Trop dans l'urgence et l'excès sans cesse.
Peur de manquer quelque chose.
Pour le reste on verra plus tard, 
quand j'aurai fini de vivre ce que je dois vivre.

Moi: pour devenir adulte, faut il passer par ces rites d'initiation ?
Se sentir tellement vivre,
se sentir si libre,
se sentir immortel?
A croire que l'expérience de nos parents ne se transmet pas.
Chacun doit tester, se tester pour apprendre et grandir.
Puis, fin de mon cycle, test de grossesse.
Une page se tourne, une vie s'achève. 
Deux autres débutent: une en moi et la mienne à travers.
Je suis parent maintenant, 
je ne pourrais pas transmettre le résultat de tous ces risques pris à mon enfant. 
Tant pis et tant mieux car si tel était le cas nous serions parfaits.

Lui : L'appel au petit matin qui réveille la maison.
Stupeur, hurlements, douleurs indescriptibles.
21 ans. Pas vieux pour mourrir.
J'ai voulu voler.
Ne m'en voulez pas.
J'ai voulu voler.
Je suis trop fort, trop beau, trop aimé, rien ne peux m'arriver. 
Je suis indestructible.
Ne m'en voulez pas,
je suis en train de voler.
Je ne vieillirai pas.

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