Les clés tournent dans la serrure de la porte d'entrée.
Oh non! Vite!
Il rentre en avance ou je n'ai pas vu le temps passer?
Je dois absolument faire diparaître tout ce que je viens d'écrire.
Cela ne fait que la centième qui ne vit que quelques minutes pour être finalement détruite,
comme ma vie, comme moi.
Un jour il sera le moment, le moment où je déposerai ce que j'ai vécu,
ce que j'ai souffert sur l'oreiller d'un lit qui n'est plus conjugal depuis si longtemps.
Le courage que j'arrive à coucher sur une feuille se révélera.
Je griffone quelques phrases banales de la vie enchantée d'une épouse et
mère de famille comblée sur mon journal intime pour donner le change,
une nouvelle fois.
Je sais que tous les soirs il viole aussi cette intimité là en le lisant.
Mes mains tremblent, l'angoisse commence à s'emparer de tout mon corps.
Tout faire pour que la colère ne gronde pas, pour ne pas contrarier, vexer.
Il le répète assez souvent : si il se fache c'est parce que je ne comprends rien
et fais tout de travers.
C'est de ma faute.
Je ne me fais pas d'illusion, ce soir sera comme tous les autres soirs.
Mais demain, quand la lettre sera écrite de nouveau,
je la déposerai sur le corps de celui dont je viens de me libérer.
