La mère :
Je l'aime
car elle roule, seulement vide
Je l'aime
parce qu'elle n'a pas de jambe et ne peut pas partir, sauf si elle
roule et seulement quand elle est vide.
Je l'aime
parce qu'elle n'a pas de tête, elle ne peut pas réfléchir.
Elle ne
peut pas penser, n'a pas de conscience, ne connaît pas le bien et le
mal.
Et
pourtant elle est la cause de tant de malheur, de bonheur aussi.
Elle ne
peut pas parler parce qu'elle n'a pas de tête.
Aucun son
ne sort de sa bouche. Elle en raconterait des histoires sinon. Des
tas. Des plus drôles aux plus glauques.
Elle a une
bouche mais pas de dents.
Pas de
lèvres, ou alors froides, si froides.
Sa bouche
est importante, primordiale.
Coule
l'essence de ma vie.
Ce qui lui
donne un sens.
Paralyse
certains sens, en sublime d'autres.
Je l'aime
toute la journée. La nuit, plus.
Un amour
passionnel, tonitruant, qui ne se dément jamais.
La fille :
Je l'aime
mais elle roule, complètement pleine
Je l'aime
parce qu'elle n'a plus de jambe et ne peut plus partir, même si elle
roule et seulement quand elle est pleine.
Je l'aime
sauf qu'elle n'a plus de tête, elle ne peut plus réfléchir.
Elle ne
peut plus penser, plus de conscience, mélange le bien et le mal.
Elle est
la cause de tant de malheur, de bonheur aussi.
Elle parle
beaucoup même si elle perd la tête.
De
nombreux sons sortent de sa bouche. Elle en raconte des histoires.
Des tas. S'apitoie, gémit, éructe, insulte. Du plus drôle au plus
glauque.
Elle a une
bouche mais moins de dents.
Des
lèvres, froides, si froides.
Coule ce
qui me relit à sa vie.
Ce qui lui
donne un sens.
Paralyse
le sens de mes émotions, n'en sublime aucun.
Je l'aime
toute la journée. La nuit, moins.
Un amour
exclusif, filial, qui me rend démente.